Je pense que tout le monde connaît cette image des Landes d’un pin avec un pot de résine accroché. Mais en même temps, on ne sait pas trop comment ça fonctionnait, et moi en premier….
Heureusement il existe d’anciens résiniers dans les Landes qui veulent bien nous montrer et expliquer encore, de nos jours, ce qu’est « le gemmage ».
Je profite de cette animation pendant le « Grand Printemps des Landes » pour me rendre à Mimizan. A Mimizan plage sur la route vers Lespecier, au cœur de la forêt, ils ont gardé une « aire de gemmage » pour faire des démonstrations. L’Association locale ASEM – Histoire et Traditions assure de mars à octobre tous les jeudis matins à 10h00 des démonstrations de gemmage gratuites et ouvertes à tout public. Ce matin, c’était le tour à Georges et Jean Jacques de tout nous expliquer.
Un peu d’histoire
D’abord l’origine du mot gemmage provient de la Gemme = résine du pin maritime. Georges nous explique que la technique de gemmage existe depuis très longtemps, depuis l’époque Gallo-romaine. Et que nos pins, existaient déjà dans les Landes bien avant la fixation des dunes (loie 1801) et de Napoléon III (loi de 1857), seulement il n’y en avait pas autant. Maintenant la forêt des Landes de Gascogne couvre 1,8 million d’hectares, c’est le plus grand massif forestier cultivé occidental, peuplé à 80 % de pins maritimes.
Le gemmage
Le gemmage c’est un geste qui « blesse » le pin par une petite entaille pour qu’il fasse couler la résine, cette résine sert normalement à soigner l’arbre.
Au début, les gemmeurs creusaient un trou entouré de mousse au pied de l’arbre pour récolter la résine (gemmage au “Crot”), mais la résine n’était plus très propre.
Donc, est arrivé en 1840 notre fameux pot de résine, inventé par Pierre Hugues. Ce système, avec un pot accroché à l’arbre (gemmage ascensionnel), avait pour but de récolter la résine plus pure avec plus d’essence térébenthine.
Le gemmeur réalise une incision dans l’arbre, appelée « pique », avec le hapchòt (=hache en gascon). Comme ce Hapchot était assez lourd il ne pouvait pas entailler le pin trop en hauteur, donc « le pitèir » est arrivé. Le pitèir est une sorte d’échelle à un seul montant, je pense qu’il fallait avoir des notions d’acrobatie pour monter, mais Georges le fait sans problème.
Béret et foulard
Ensuite plusieurs façons de récolter sont passées par là, dont la méthode de « gemmage activé » qui consistait à pulvériser de l’acide sulfurique sur la pique. Cette méthode augmentait le rendement, mais attaquait le pin en profondeur et… trouait le pantalon du gemmeur !
D’ailleurs Georges et Jean Jacques nous racontent que le port du béret et du foulard n’était pas pour partir faire la fête mais faisait partie de l’habit du gemmeur, car ils protégeaient contre les copeaux de bois et l’écorce qui volaient partout.
Les ustensiles d’un résinier
Quand les pots étaient remplis, les femmes vidaient les pots dans des « escouartes » (récipients en bois ou en zinc), souvent avec l’aide des enfants car ils étaient payés au poids. Les escouartes seront à leur tour vidées dans des barriques en bois et plus tard en métal pour être enfin acheminées, avec mule et charrette vers les distilleries de résine.
Le résinier pouvait entretenir jusqu’à 7000 pins sur environ 30 à 40 ha pendant la période de mars à octobre.
La distillation
Qu’est que nous pouvons faire avec cette résine après distillation ? La résine est composée à 70 % de colophane, 20 % d’essence de térébenthine, et 10 % d’impuretés.
En fait, je pense qu’il vaut mieux lister des produits dans lequel on n’utilise pas de la résine.
Par exemple, la térébenthine était utilisée dans ces quatre grands domaines :
– les produits d’entretien
– les peintures et les vernis
– les produits de synthèse (caoutchouc, parfums, etc.)
– l’industrie pharmaceutique
Les colophanes servaient dans la fabrication de l’encre noire d’imprimerie, de savons, de linoléums, plastifiants, colles, huiles et graisses industrielles…
Et maintenant ?
Le gemmage a totalement disparu de la forêt de Gascogne depuis 1990. L’industrie chimique a trouvé d’autres sources plus économiques, souvent à l’étranger à plus faible coût de main-d’œuvre. Grâce à des bénévoles qui prennent le temps pour nous faire des démonstrations, cette ancienne tradition landaise reste toujours un peu vivante.
Vous trouverez plusieurs endroits dans les Landes ou vous pouvez assister à des démonstrations en cliquant sur les liens suivants :
Pendant le Grand Printemps des Landes
Sur le sentier des résiniers à Biscarrosse,
A l’écomusée de Marquèze à Sabres
la Maison de la Gemme à Lesperon
A Côte Landes Nature (Léon, Linxe et Saint Julien en Born)
Juste une petite demande
Si vous voyez un pot de résine en suspend d’un pin ne le touchez pas et ne le prenez pas. On le laisse pour le folklore et pour honorer cette tradition landaise, disparue de nos jours…
Merci et longue vie à nos pots de résine !!!!!